Présentation de la Carte Blanche
Parler de « frontières urbaines » dans le cadre d’un séminaire portant sur la ville peut sembler déconcertant. En effet, « la citadinité » (dans son acception large) se pense dans un cadre géographique, creuset civilisationnel, qui se veut ouvert et inclusif. Espace libre, diversifié et dense, l’urbain dans notre imaginaire, comme un lieu où des barrières naturelles ou artificielles contraindraient le déplacement de ses habitants se présente comme une aire continue. Notre pratique de la ville est partielle. Elle repose sur des mécanismes sociaux, économiques et culturelles. Cette réflexion n’est pas propre aux sciences sociales, les artistes, auteurs et cinéastes se sont également saisies de cette matière.
La récente crise sanitaire nous incite à réactualiser ce débat. Les dispositifs adoptés exercent une pression indéniable qui impacte notre rapport aux espaces partagés. Le dernier grand confinement collectif a eu lieu en Yougoslavie en 1972 (épidémie de variole).
Ce concept, inédit pour la plupart d’entre nous, a surpris, de par son caractère exceptionnel et précipité. Il a bouleversé le temps de quelques semaines le paysage humain de nos villes. Ce sentiment s’est d’ailleurs largement répandu sur les réseaux sociaux, par des photos partagées par des internautes, conscients de vivre une période exceptionnelle.
Les notions « d’intérieur-extérieur », du lieu d’habitation et de sa configuration (jardin), mais aussi de la possibilité de profiter de sa résidence secondaire sont devenus des sujets centraux. Alors qu’auparavant, dans la gestion d’une épidémie, on séparait les « zones infectées, des zones saines », aujourd’hui nous nous protégeons les uns des autres. Gestes barrières, gestes frontières. Nous modifions « nos expériences urbaines », notamment les rapports que nous entretenons avec les espaces publics, les lieux de rassemblement et de rencontre.
L’histoire des épidémies nous enseignent que les plus pauvres et les étrangers ont toujours été accusés, du fait de leur ignorance, de la propager. Ce nouveau contexte sanitaire fait resurgir à des échelles différentes les séparations spatiales et sociétales dans la ville. Nous faisons le constat qu’une apparente homogénéité spatiale peut soulever des discontinuités d’usages et de pratiques. Ce sont autant de tensions, de confrontations et parfois des violences potentielles entre les divers acteurs et usagers.
Il s’agira d’aborder ce que le confinement a pu nous révéler sur le besoin (ou l’évitement) du repli sur soi, sur le déni politique des précaires et de la précarité et sur la régulation possible des conflits. A travers d’exemples et d’études de cas nous nous questionnerons comment un fait social devient et un fait urbain ?
Par ce séminaire, après avoir aborder la notion de communautarisme l’an passé, nous souhaitons continuer à questionner l’évolution du vivre ensemble sous ses différentes représentations et significations et poursuivre le débat sur ce que cela raconte et apporte à notre société.
Les intervenants
Mehdi Massrour, économiste de formation, est consultant, expert en développement territorial. Ancien conseiller départemental du Nord, ainsi que de la municipalité de Roubaix, il a notamment travaillé en école doctorale sur les thématiques « Immigration et chômage et sur les phénomènes de radicalité » pour le parlement européen.
Nava Meron est architecte-urbaniste, Docteur en Aménagement de l’espace. Elle porte son regard sur les espaces et les populations vivant dans les contraintes de hautes densités. Sa thèse de doctorat portait sur la pratique de la religion et ses repères dans la ville, tout particulièrement le vivre entre-soi.